Le programme CAMIGRI propose d’éclairer la dynamique de changement des campagnes à partir d’une analyse centrée sur les migrations internationales. La question transversale qui est posée est la suivante : comment les campagnes continuent à « faire société » avec des habitants qui ont des expériences de mobilité, des modalités d’insertion dans des circuits économiques, des engagements, des valeurs et des modes de vie extrêmement divers, et souvent, des intérêts divergents ?

Le projet CAMIGRI entend examiner le jeu des migrations internationales à partir de trois hypothèses :

1. la migration internationale apporte actuellement une contribution aux reprises démographiques et à la diversification du peuplement de certaines campagnes mais elle est aussi un facteur de différenciation et de segmentation socio-économique des territoires à différentes échelles ;
2. si elle apparaît comme un vecteur d’intégration internationale des campagnes, elle peut également exprimer la marginalisation plus ou moins « visible » de certaines populations, ce qui appelle à approfondir l’étude des nouvelles sociabilités qui y prennent place ;
3. si la migration internationale participe au dynamisme économique des territoires ruraux, elle joue un rôle différencié dans les stratégies de développement local.

Afin d’analyser ces hypothèses, le projet privilégie trois entrées : le logement et les mobilités, et par extension le fonctionnement des espaces résidentiels des migrants internationaux ; leurs activités économiques ; l’action publique et les politiques d’accueil.

• Dans le cadre d’un premier objectif nous proposons un portrait détaillé des migrants internationaux dans les campagnes françaises. Les données statistiques disponibles (Recensements de la population, EDP, EFL) feront l’objet d’analyses descriptives à l’échelle nationale. Elles seront intégrées dans un Système d’Information Géographique permettant de relier les dynamiques migratoires aux dynamiques des territoires ruraux. Ces données n’offrant qu’une vue partielle des formes de migrations internationales, notamment des circulations internationales, ce portrait sera complété par des typologies issues d’observations prolongées sur des terrains de recherche du Sud-ouest français (Maine et Loire, Vienne, Dordogne, Ariège). Des enquêtes biographiques seront également conduites auprès de migrants afin d’approfondir leurs parcours de vie et leurs modes « d’habiter la campagne ».

• Un second objectif portera plus spécialement sur la contribution des migrants internationaux aux évolutions récentes des systèmes agricoles. Il s’agit d’abord de déterminer si les migrants produisent des formes particulières de systèmes productifs agricoles ou s’ils s’insèrent dans des formes agricoles communes sur un territoire. Grâce aux enquêtes de terrain menées dans le Périgord Vert, nous examinerons l’insertion des migrants dans des réseaux (migratoires, professionnels, agricoles, de commercialisation) analysés comme moyen potentiel d’accéder à l’activité agricole mais aussi comme moyen de se former, de s’insérer dans une activité et dans des sociétés locales.

•  Enfin, un troisième objectif est consacré aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile implantés dans les campagnes. A partir de l’étude de CADAs et d’autres formes de mobilisation pour l’accueil des migrants, il s’agit de documenter le processus de localisation des demandeurs d’asile en milieu rural. L’analyse est centrée sur les effets de la politique nationale en matière d’asile sur les dynamiques démographiques, de maintien ou transformation des services publics et de prise en charge du social qu’ont à connaître les campagnes. Menées aux moyens de techniques ethnographiques (entretiens, observations et photo-documentation), les enquêtes de terrain viendront ajouter à la caractérisation des espaces ruraux par la mise en évidence des réactions et des ajustements qui s’opèrent et qui modifient le profil socio-économique des campagnes.